Dans l’Yonne, l’équipe mobile « l’Escale » réunit des professionnels du handicap et de la protection de l’enfance. Elle intervient pour aider des assistants familiaux et des établissements collec­tifs dans des prises en charge complexes, afin d’éviter la rupture du placement … ou de l’accompagner.

« Est-ce que c’est pertinent que Noam (1) reste dans cette famille d’accueil qui est dévalorisante ? Il faut éviter la rupture, mais pas à n’importe quel prix. Quand la famille ne voit plus les compétences du jeune, c’est délétère », estime Sylvia Marcaud, l’une des trois cadres de l’équipe mobile L’Escale, réunie dans son local Auxerrois pour un point hebdomadaire sur les différents suivis.  « Oui, mais si on l’oriente en foyer, il devra changer suivis de collège et arrêter le foot qui lui plaît. C’est dommage d’arrêter tout ce qu’on a mis en place alors que ça commence à aller mieux », note Aloïs Stal, éducateur référent du jeune.

La première mission de cette équipe mobile qui rayonne sur tout le département de l’Yonne est d’épauler les familles d’accueil en difficulté dans la prise en charge d’enfants en situation de handicap, pour éviter les ruptures. « On sait que ces prises en charge sont difficiles et que les assistantes familiales, contrairement aux éducateurs de foyers collectifs, ne peuvent pas passer le relais », souligne Sylvia Marcaud.

Appuyer un dossier MDPH

Mais dans sa première année de fonctionnement, l’équipe a surtout accompagné des changements de lieux maintenant de vie. « Car nous étions saisis trop tard ; maintenant que l’équipe est repérée, on nous alerte plus en amont, observe Cécile Thalen, autre cadre. On nous appelle pour des situations de conflit, de crises à répétition, d’épuisement de la famille d’accueil, poursuit-elle, ou bien pour confirmer une suspicion de handicap chez un tout-petit ». L’équipe est aussi sollicitée pour accompagner l’entrée à l’école, au collège, décider d’une orientation en établissement spécialisé, obtenir un accompagnant des élèves en situation de handicap (AESH), finaliser un dossier à la maison départementale des personnes handicapées (MDPH).

La demande d’intervention passe par une commission. Celle-ci vérifie notamment que la situation relève bien du handicap, « car nous bénéficions d’un double financement du conseil départemental et de l’agence régionale de santé (ARS) », précise Sylvia Marcaud. L’équipe est composée d’un neuropsychologue, d’une infirmière, de quatre éducateurs et de trois cadres issus des associations qui portent le dispositif : une dans le handicap – l’EPNAK – et deux dans la protection de l’enfance – La vie au grand air/ priorité enfance, et Enfance et jeunesse en avallonais. L’équipe évalue chaque nouvelle situation puis propose six mois d’accompagnement. Pendant la phase d’évaluation, l’infirmière fait le point sur les traitements en cours, les problématiques de santé – obésité, énurésie, par exemple -, et le lien avec les acteurs du soin. Le neuropsychologue réalise des bilans – intelligence, attention, anxiété – pour confirmer une déficience ou des troubles autistiques en vue d’appuyer le dossier MDPH. « J’explique aux assistantes familiales les répercussions du trouble au quotidien et les outils à mettre en place, car elles n’ont souvent aucune information sur le handicap de l’enfant », observe-t-il. L’équipe anime de courtes formations auprès des assistantes familiales, à l’aide de fiches synthétiques sur chaque pathologie. « On commence par leur expliquer que le comportement de l’enfant ne relève pas d’une provocation, mais bien d’une difficulté intrinsèque et qu’il ne peut pas faire autrement », indique Cécile Thalen.

Chaque éducateur suit une dizaine de situations et apporte de la guidance au quotidien. « On intervient au domicile sur les moments difficiles – les devoirs, la douche – pour accompagner l’assistante familiale, transmettre des outils, tester des astuces, aider à désamorcer un conflit, rapporte Salima Nevot, éducatrice spécialisée sur la déficience intellectuelle. Elles apprécient d’être écoutées, soutenues par un tiers, et de bénéficier d’un étayage technique ». Des outils pratiques sont proposés au cas par cas : aménager la chambre, l’armoire, utiliser des pictogrammes ou des consignes écrites par exemple. « On peut aussi emmener l’enfant faire une activité à l’extérieur (piscine) ou un atelier cuisine dans nos locaux », ajoute l’éducatrice.

Mais parfois, c’est toute la prise en charge qu’il faut renforcer, en mobilisant tous les relais possibles, toujours en accord avec l’éducateur référent de l’ASE. « Pour Noam par exemple, je suis en contact régulier avec l’équipe éducative du collège qui maintenant le soutient, avec l’AESH, avec la MDPH, j’ai obtenu son inscription au club de foot du quartier, j’ai décroché un rendez-vous au centre médico-psychologique. On avance », estime son éducateur Aloïs Stal, optimiste sur l’évolution d’une situation qui il y a six mois était vouée à la rupture. « On a un rôle de tiers et de médiateur entre l’assistant familial et les partenaires pour fluidifier la relation », ajoute Cécile Thalen.

Proposer du répit

Cet après-midi, Salima Nevot participe à la synthèse concernant un jeune de 17 ans atteint d’une lourde déficience intellectuelle et scolarisé en institut médico-éducatif (IME) pour parler de son projet d’adulte. « La rupture de l’accueil chez l’assistante familiale était déjà décidée quand on est intervenu. Donc, avec ce jeune, je propose beaucoup de répit, je l’emmène sur des demi-journées pour soulager la famille en attendant qu’il soit accueilli ailleurs », explique-t-elle. À l’avenir, l’équipe mobile aimerait proposer un répit plus long aux assistants familiaux : « par exemple sous forme de « baluchonnage » relayage à domicile – ou par l’embauche de familles d’accueil-relais », précise Cécile Thalen. L’Escale est aussi sollicitée par les équipes de Maisons d’Enfants à Caractère Social (MECS). « Les éducateurs veulent pouvoir mieux répondre au handicap d’un enfant, dont l’accueil en MECS est souvent une solution par défaut », souligne Aloïs Stal. Sylvia Marcaud évoque un travail d’un an avec un enfant déficient qui parlait peu : « au début, il était incapable d’exprimer ses émotions autrement qu’en se roulant par terre ou en se tapant la tête. On a travaillé avec des émojis et aujourd’hui il peut dire s’il est content ou des pas, ce qu’il aime manger, etc. Et avec des photos, on l’aide à se repérer dans son emploi du temps ». L’équipe mobile est enfin appelée pour des tout-petits, pour lesquels le diagnostic n’est pas encore posé : « ce sont des enfants qui ne parlent pas, avec lesquels on essaie de mettre en place des moyens de communication visuelle, on fait du repérage et de la prévention, explique Sylvana Gentile, éducatrice spécialisée dans le handicap. Mais ils auraient besoin de soins pédopsychiatriques, lesquels sont quasi inexistants dans le département ».

Si l’équipe mobile permet à coup sûr d’améliorer la prise en charge des enfants « grâce à la pluridisciplinarité et à la mobilisation d’un large réseau de partenaires », ses membres se heurtent néanmoins au « cloisonnement » avec le secteur du soin et au manque de ressources dans ce domaine.

Mariette Kammerer

[1] Les prénoms ont été changés.

LIEN SOCIAL 1326 • 1er au 14.11.2022 : https://www.lien-social.com/Equipe-mobile-o-Un-appui-des-professionnels-de-protection-de-l-enfance

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